René BENOIT “Parolier”
Sur ces rivages inconnus
Loin, très loin des vieilles villes
Un sentiment d’homme perdu
Très fort m’étreint au cœur des îles
Elles sont là entre ciel et flots
Posées et oubliées du créateur
Immobiles, malgré l’assaut
Du flux et du reflux vengeur
Elles se nomment du Salut
Mais pourquoi donc telle ironie
Puisque l’enfer des hommes ce fut
Jetés ici jusqu’à l’oubli
Combien de fois le tour, j’ai vu
Est-ce bien les îles du Salut
Ou bien celles des pas perdus
Où tant d’hommes vécurent reclus ?
J’écoute le souffle de la mer,
Et il me semble reconnaître
Des hommes enlevés à la Terre
Le cri avant de disparaître
Car en partant dans l’au-delà
Leurs frères, leurs pairs ils ont maudit
Le poing fermé levant le bras
De tout mon être, j’en frémis
Mon cœur par delà l’océan
Vole vers tous les chers parents
Qui eux aussi comptent les ans
Les séparant des pauvres enfants
Hélas, trop peu sont revenus
Pas même un signe ou même un mot
De ces fils trop tôt disparus
Un instant bercé par le flot
De ces êtres, les âmes
Hantent maintenant les îles
Et chaque soir sur la vague
Elles agitent des faucilles
Leur souffle est un murmure
Leurs mots sont chargés de haine,
Et dans le soir, s’élèvent lugubres,
Assourdissant encore ma peine
Chaque jour, à pareille heure
Sur les îles s’arrête la vie
Quand la nuit étend son linceul
Alors que les vivants s’enfuient
Chacun apporte son obole
L’hibiscus se referme sans bruit
L’oiseau mouche suspend son vol
Et l’alizé jusqu’à l’infini
Emporte les cris de douleur
Aux pieds des hommes, ils les déposent
Pour qu’ils bannissent de leur cœur
L’injustice qui leur sert de cause
Alors, un souffle nouveau
Reviendra réveiller les îles
Et les âmes sur les flots
Repartiront vers les vieilles villes